De la bière sous cloche

A Malonne, la chapelle du Piroy héberge en son chœur la Brasserie du Clocher. C’est la toute première fois en Belgique qu’une micro-brasserie investit une église désacralisée.

En avril 2015, le conseil communal de Namur votait la désacralisation, puis la désaffectation de la chapelle du Piroy à Malonne. Il y a six ans encore, la communauté chrétienne de cette paroisse malonnoise était très active mais l’arrivée d’un nouveau curé devait quelque peu changer les orientations, au point que les offices n’y furent plus célébrés.

Laissée sans chauffage et quasi sans entretien, la petite église consacrée en 1887 s’est dégradée au fil des mois. Dès lors que le collège communal namurois avait pris l’option de la désacralisation de la chapelle-église, la fabrique d’église pouvait envisager de s’en séparer.

D’autant plus que le bâtiment était dans un état de plus en plus préoccupant, avec même la menace réelle de voir et le toit et le clocher s’effondrer!

Respect du lieu et des valeurs

L’été dernier, après avoir porté en avril sur les fonts baptismaux la sprl Brasserie du Clocher, Jean Cheffert et Alex Vandurme, les deux co-fondateurs de la micro-brasserie originaires de Malonne, se sont portés candidats à l’acquisition de l’ancien édifice religieux.

Une offre, insistaient d’emblée les repreneurs, marquée par le souci de respecter les valeurs et les lieux d’origine, avec la volonté aussi d’intégrer au maximum la population à leur projet brassicole.

« Nous sommes nés à Malonne, il y a 52 ans, et mes enfants ont fait leur communion dans cette église. Donc, nous ne voulions pas en faire quelque chose dont nous ne voudrions pas nous-mêmes. Ce sera un endroit convivial où les Malonnois pourront se rencontrer. On conserve donc, en quelque sorte, la philosophie des lieux », insiste Jean Cheffert.

Prudentes parce qu’échaudées par d’autres expériences de réaffectation plutôt malheureuses, les autorités diocésaines namuroises avaient préalablement décidé de retirer de la chapelle du Piroy tous les éléments qui, de par leur valeur intrinsèque, méritaient d’être sauvegardés comme un tableau de la Nativité, le tabernacle ainsi que la pierre d’autel.

Quant à la cloche dédicacée à sainte Philomène, patronne de la petite église malonnoise et qui reste la propriété pleine et entière de la fabrique d’église (les paroissiens avaient financé son achat), elle a été décrochée le temps des travaux mais elle réintégrera, d’ici la fin de l’année, l’édifice restauré pour être exposée aux visiteurs.

Phil2Financement participatif

D’emblée, les deux brasseurs amateurs ont souhaité mettre l’accent sur le côté convivial et participatif de leur projet de micro-brasserie, avec la volonté d’associer, autant que faire se peut, les Malonnois à cette aventure brassicole.

Un programme qui a retenu la meilleure attention des fabriciens puisque, dès le mois de juillet 2015, le bâtiment était cédé pour l’euro symbolique, vu l’état de la bâtisse! Les travaux de démolition/déconstruction, avec l’appui bienvenu de dizaines de bénévoles, puis d’aménagement des lieux par une entreprise générale ont suivi en août. Les investissements de réhabilitation avaient été estimés à quelque 300.000 euros (consolidation des structures, nouveau vitrage, chauffage par le sol…) mais, comme souvent, se sont avérés beaucoup plus élevés que prévu.

Par ailleurs, l’équipement brassicole, entièrement neuf, a exigé lui une enveloppe de l’ordre de 200.000 euros pour l’installation d’une salle de brassage (1.200 litres par brassin) et quatre cuves servant à la fois à la fermentation et au stockage.

Quant à l’embouteillage – près de 6.000 bouteilles pour chaque nouveau brassin! – il est actuellement confié aux bons soins de la brasserie La Binchoise dans la Cité du Gille.

« D’ici la fin de l’année et pour maîtriser au plus près nos coûts, nous devrions disposer de notre propre installation d’embouteillage à Malonne », précise Alex Van Durme.

Des dépassements budgétaires qui ont d’ailleurs contraint les deux brasseurs amateurs à faire appel à un financement participatif (ou crowdfunding). De quoi lever près de 30.000 euros supplémentaires – bien au-delà de l’objectif initial! – pour achever les travaux de sécurisation et de rénovation, mais aussi mettre en place les premiers équipements indispensables au lancement de la production brassicole.

Philomène Florale

En décembre dernier, le premier brassin de la Philomène Florale était mis en bouteille.

Pas moins de neuf autres brassins ont suivi depuis! « C’est une bière de froment, une fausse bière blanche, une bière de soif légère qui titre à 5,5° d’alcool et qui peut donc se consommer en toutes circonstances », commente Alex Vandurme. Aujourd’hui, elle est disponible essentiellement dans la région de Namur, dans des magasins spécialisés ou encore au sein de certains établissements horeca.

Fort de cette première et heureuse expérience, la Brasserie du Clocher ne devrait pas en rester là puisqu’une bière ambrée est annoncée prochainement. « Faire de la bière reste d’abord et avant tout pour nous une passion, la volonté, à travers ce produit par nature convivial, de (faire) partager quelque chose puisque nous utiliserons aussi nos installations pour faire mieux connaître la bière en général, son processus de fabrication, comment l’associer à certains aliments… », concluent les deux informaticiens qui n’abandonneront pas leur métier premier.

Pour les seconder, un premier engagement devrait être concrétisé cette année encore.

Sachez enfin que les week-ends et jours fériés, après réservation au préalable, il est toujours possible de visiter la micro-brasserie malonnoise, la seule en Belgique qui fonctionne au « chœur » d’une (ancienne) église.

Hugo LEBLUD

Vous pouvez lire l’article originale à cette adresse : http://www.cathobel.be/2016/05/10/de-biere-cloche/